Sur mon travail
Les réactions du public écrites, orales et transcrites
Sur Dialogue zoopoétique avec les vaches
Mathilde Walton, directrice et programmatrice du festival Le murmure du monde
Ce qui m’a frappé dans son texte, et que j’ai trouvé extrêmement émouvant, c’est son rapport à la maternité, puisqu’elle évoque la question du vêlage, les petits veaux que les vaches mettent au monde et qu’on leur arrache le plus souvent, les difficultés que cela représente si on se met à leur place. Qu’est-ce que ça leur fait quand on leur enlève leurs petits veaux ? Cette évocation était très troublante pour le public.
Jean-Christophe Cavallin, écrivain, professeur des universités
Quels beaux souvenirs de lacs, de vaches rouquines, de chemins pieds nus.
Amélie Mouton, journaliste, auteure et traductrice
L’audience est suspendue à ce texte qui mélange la tendresse à l’évocation des horreurs de la zootechnie. Impossible de rester indifférent à ces veaux qu’on arrache à leur mère, « sanglés au métal et nourris, quel paradoxe, de poudre de lait ».
Charlotte Bonnefon, auteure et poète
Entre les buissons d’aubépine, le troupeau approche à notre rencontre. « Des limousines ! ». Elles allongent leurs têtes aux cornes coupées vers les mains qui se tendent tout en suivant de leurs grands yeux noirs les veaux qui déambulent entre leurs pattes.
Les cloches tintent et résonnent dans la vallée : « Je suis ici » dit la vache sentinelle.
Un peu plus haut le paysage s’ouvre sur les cimes enneigées et l’espace qui nous sépare de l’autre versant. La silhouette d’une femme vacille sur le bord, elle tourne la tête vers le troupeau plus bas puis regarde le public de ses grands yeux clairs.
Ce qui se raconte ici est empreint de tous les moments volés à l’estive, dans la solitude de la rencontre avec le troupeau de François et Benjamin. Les affûts et les approches. La proximité du souffle sur les épaules, le contact de la langue râpeuse sur les doigts.
L’adresse à Naïa, la vache dont le veau a été retrouvé déshydraté au pied d’un arbrisseau, est une ode à toutes ses sœurs, une demande de pardon et une réparation. Geneviève de Bueger questionne ici avec une douceur extrême nos relations au vivant, au corps maternant, à l’élevage intensif et à la consommation.
Ce matin-là sur l’estive, il y a dans son regard la profondeur d’une conversation ininterrompue, commencée dès l’enfance dans sa région du Brabant Wallon. Petite fille, elle contemplait sur la colline voisine le ballet des vaches blanc bleu belge et enfourchait son vélo dès la sortie de l’école, se risquant aux égratignures des fils barbelés pour les retrouver aux champs. A la rencontre, curieuse comme elles. De ce dialogue précoce qui aiguisait tous ses sens est née cette sensation puissante, d’être chez soi là où elles sont, là où l’odeur du fumier se mêle à la poussière des chemins, là où s’amorce le mouvement vers.
Ce matin-là sur l’estive, nous sentons le flottement de l’entre-deux, d’un entre-lieux, d’un entre-temps. Des fragments d’autres vies résonnent en nous dans une sororité interespèces, tissant le fil d’une attention élargie à ces êtres, nourrices de nos enfants, dont la mort survient trop rarement à l’ombre des arbres.
Cette performance a vocation à pâturer sur d’autres estives, à s’imprégner d’autres histoires à la rencontre des habitants, des troupeaux et des éleveurs.
Sur Prière de traverser
Monsieur d’origine hollandaise à casquette, habitant du Val d’Azun
La voix, le lieu, le regard échangé avec le public, le courage de plonger : comme avec les vaches l’année dernière, l’expérience est magnifique, c’est pour cela que je suis revenu.
Daniele Delgado, habitante du Val d’Azun
Cela m’a fait sortir des choses, j’ai pleuré.
Elisabeth Walton, habitante du Val d’Azun
Qu’allait m’apporter cette jeune femme belge avec sa performance aqua poétique appliquée à un lieu que je connais tellement bien?…
Curieuse plutôt que méfiante me voici donc assise dans l’herbe au bord du lac, au bas de la montagne.
Bruissements de pieds nus. Elle s’approche de la barque posée sur la berge, décor dans le décor. Et puis elle nous dit, elle nous dit l’histoire de ce qu’elle a vu de ce qu’elle a senti, de son attente (qui devient la nôtre) de l’oiseau disparu qu’elle ne sait pas bien nommer mais peu importe. Elle nous dit la parole des éléments et comment elle les aime et veut nous les faire aimer. Elle nous dit les bruits des insectes et celui des battements d’ailes.
Elle nous dit que quand on aime, il faut partir … et elle part dans sa belle robe verte et rentre dans l’eau, toujours plus loin dans l’eau elle nage en une brasse fluide comme son écriture. Élégante aussi.
Enfin elle revient, visage extatique. À peine sortie du lac elle se couvre d’une couverture animale et soudain devient ourse. Nous sommes dans les Pyrénées et ne pouvons pas l’oublier.
Un incroyable moment de poésie vient de nous arriver à nous, restés au bord de la rive, éberlués et séduits de ce que nous venons de vivre .
Sur Dans le lit du fleuve (au cœur de la ville)
Nathalie triest, dame liégeoise
Echappée Belle à la Boverie
J’ai sillonné le parc de La Boverie à sa recherche, escortée de mes deux petits cannetons. Je l’ai trouvée coté Dérivation, le long de ce petit canal né de la confluence de la Meuse et de l’Ourthe cher aux liégeois. Lieu magique pour cette production littéraire, car l’Art et l’eau sont intimement mêlés à La Boverie. Je nous installe, moi et mes petits, et je salue le reste du parterre. Puis Geneviève s’avance vers nous, j’ai alors la vision d’une Vestale longeant le Tibre. Je ressens une émotion très forte. Le sentiment de vivre un moment privilégié et hors du temps et de la course. Et rien que pour ce moment de pause je bénis Geneviève. Et je me laisse embarquer, absorber par son récit au fil de l’eau. Elle nous raconte des histoires, de toutes sortes, des fragments de vie de gens qui se retrouvent souvent ou pas souvent à côtoyer la Meuse et ses affluents. Et c’est gai, c’est drôle, coloré, on se laisse emporter par l’histoire du pêcheur, et celle de la fille de Miami. On les aperçoit sur la rive. On entend la dame au chien répondre à la demoiselle. Le cœur se sert fort lorsque les inondations sont évoquées. Pour moi ce serrement s’accompagne des odeurs pestilentielles rencontrées lorsque je suis allée à la rencontre des inondés. Odeurs de mazout et fosse-sceptique. Mais les avironnistes qui passent devant nous nous ramène au présent. Je sens à nouveau ces odeurs de début d’été, il y a un parfum de menthe et d’herbe délicatement mêlées qui nous chatouille agréablement les narines dans ce coin de Boverie. Plaisir d’apprendre également, car Geneviève nous livre avec poésie foultitude de renseignements et d’anecdotes sur le monde mosan. Dorénavant je saluerai les oies bernaches comme il se doit, je ne les traiterai plus de canards…Souvenir de la douceur de cette journée ensoleillée, de la vie qui anime l’eau et les berges. Le vent et les brouhahas des bords de fleuve nous ont parfois volé des mots, mais la chorégraphie légère et le regard profond de notre prêtresse des eaux nous interdisaient de perdre le fil et nous ramenaient dans son sillage.
Adeline Loodts, psychologue, approches psycho-éducatives dans/avec la nature
Nous avons vu la Meuse, coincée dans son lit (je ne l’avais jamais perçue ainsi !), puisque son opacité nous a saisi, puisque nous nous sommes tous amusés de voir les avirons et les canards participés du récit quand l’anguille serpentait ses méandres …
Sur Dans la forêt sauvage (au cœur de la ville)
Henri Van Lierde, philosophe et réalisateur de cinéma
Rencontre pascalienne de l’infiniment grand et de l’infiniment petit teintée d’une belle émotion.
Géraldine de Brouwer, architecte et directrice à Kanal – Centre Pompidou – Brussels
Une poésie super-juste, super-belle, super-douce tout en étant dans la profondeur subtile du détail infini. Derrière les mots, aussi, des convictions. Et une voix au grain charmant.
Valentine de Franquen, avocate
Un moment hors du temps. Je me dépêche de quitter ce dans quoi je suis occupée, j’attrape mon vélo, je me faufile parmi les voitures pour trouver mon chemin, j’hésite, je monte la pente qui mène à ce petit parc niché entre la route et le chemin de fer. Je me pose. Je respire. J’écoute. Je vis. Le performance de Geneviève est en connivence avec la nature. Geneviève parle, l’oiseau réplique. Geneviève se tait, l’oiseau se tait. Dans ce micro espace vert, où l’on se sent hors de la Ville, résonne les questions de la place de la nature au sein et en dehors de la Ville. La place de l’Homme dans cette nature. Son intervention ou non. La vie. La mort. Et le hautbois qui vient merveilleusement ponctuer toutes les questions qui jaillissent.
Harold Nottet, journaliste, collaborateur de Médor
Un texte original, poétique, très documenté et si joliment déclamé !
Sur Du côté de la friche
Violaine Dehin, chanteuse et professeur de chant, sur la version du 19 septembre 2024
C’était très fort comme façon de lire à haute voix, très sensoriellement complet. Les descriptions sont hyper précises et évocatrices, tous les sens sont en éveil. L’expérience est forte et en même temps dure, parce que les choses partagées ne sont pas toujours faciles à entendre même si c’est réel et que ça fait partie du cycle de la vie. La vision humaine devient plus qu’humaine, végétale, animale. Le texte va chercher à l’essentiel, à la profondeur.
Caroline Boulord, écrivaine
J’ai trouvé particulièrement beau de voir se superposer les images véhiculées par la voix de Geneviève et celles de l’environnement qui nous entourait. Comme un trait d’union entre deux temps, deux réalités. Et je retrouve aussi dans son texte une minutie, une attention portée aux détails (que j’affectionne). Ce que l’observation fait advenir de fabuleux et en quoi cela nous incite à soigner notre environnement. Et ce que cela provoque au niveau du ressenti temporel. Mention spéciale : « la falaise de fenêtres ». Beaucoup aimé aussi l’harmonie avec ce petit flûtiste, hors temps.
Mencia Sanchez, co-fondatrice et directrice d’une asbl
Emportée par le rythme des phrases, l’image des mots, le monde imaginé », par « la vie, et la mort, la présence, la connexion, la patience, l’étonnement, l’impermanence, la résonance, l’attente, en bref, la Vie.
Margherita Scalise, metteuse en scène et dramaturge italienne pour Wim Vandekeybus/Ultima Vez
Il y a certainement de nombreux passages que, par manque de langue de ma part, je n’ai pas pu apprécier ou comprendre pleinement. Cependant, j’ai trouvé incroyablement enrichissant le fait d’être dans ce contexte et de m’attarder sur des sensations que je laisse habituellement passer. C’était comme ralentir et laisser l’espace public devenir soudainement une conscience autour de moi, au lieu d’un lieu de passage. Avec tes mots et la situation que tu as créée, tu as réalisé ce que j’appelle un « shift of perception », un glissement dans la perception de la réalité. Ce point a donc sûrement fonctionné ! Pour moi, c’est l’un des objectifs les plus importants des arts de la scène.
La figure féerique et imaginative de ton petit flûtiste est adorable elle aussi. Le jeu de transformation de l’image poétique en son était d’une douceur et d’une délicatesse rares, qui ne donnait en aucun cas l’effet « essai scolaire » que l’on risque toujours avec l’implication des enfants.
J’aurais aimé avoir le texte imprimé et passer un peu de temps seule parmi ces mêmes arbres, à retracer les histoires, les images et le passé raconté oralement. Je pense que cela aurait grandement enrichi l’expérience de reconnexion avec la nature et aurait peut-être permis au public de trouver sa propre histoire de relation avec ce lieu, reflétant dans une certaine mesure votre propre petit voyage.
Benjamin Simonis, entrepreneur
Un voyage métaphysique et poétique dans le réel, une lecture habitée et essentielle qui habille si profondément ses mots.
Hedwige Lagasse, artiste plasticienne et jardinière
Je retiens : ode à ce qui vient, ode à ce qui est, accueil, observation active de ce qui existe.
Joséphine de Grand Ry, juriste fiscaliste
Une expérience en soi, toute entière, qui te prend et t’emporte. J’ai eu les larmes aux yeux. C’est émouvant et très beau de le vivre, de ressentir dans notre corps le vécu du vivant qui est décrit.